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Dans l’économie de la fonctionnalité, le client n’achète pas un produit mais une performance d’usage, une solution personnalisée. Cela va bien au-delà de la simple location : c’est l’usage du produit et sa personnalisation qui créent la valeur, et non le produit lui-même. La création de valeur par la fonctionnalité est, en outre, au cœur des modèles économiques durables.

L’économie de la fonctionnalité nécessite une compréhension fine des besoins actuels et futurs du client. Une compréhension que permettent la généralisation des capteurs connectés intelligents et la puissance de l’analyse des données. Pour la première fois, clients et fournisseurs peuvent coconstruire, selon le contexte et en temps réel, une solution évolutive en adéquation totale avec leurs besoins.

Avec l’économie de la fonctionnalité, nous entrons dans l’ère de l’usage, de la « servicisation ». D’ici à 2030, « tous les produits seront des services », c’est d’ailleurs l’une des huit prédictions du World Economic Forum pour le commerce B2C. Mais cette « servicisation » se propage aussi dans les échanges B2B. Une étude de Forrester affirme que les services représentaient, en 2015, 58% du total des achats des entreprises américaines tous secteurs confondus.

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Une expérience client ultrapersonnalisée

Beaucoup d’entreprises, dans tous les secteurs, ne sont pas au service des besoins réels de leurs clients. Par ailleurs, nombre d’entre elles ne sont pas capables de proposer une offre innovante qui irait au-delà des demandes actuelles de leurs clients (lire aussi l’article : « Faut-il être à l’écoute de ses clients ? »).

Désormais, grâce à l’Internet des objets, des masses de données peuvent être collectées. Une fois classées et analysées, elles produisent de nouvelles connaissances sur l’utilisation et sur la performance des produits. Le fournisseur est alors capable d’offrir des services et des fonctionnalités supplémentaires et peut proposer de la personnalisation, de la contextualisation, de l’instantanéité.

Prenez un logisticien. Il peut acheter des milliers de luminaires pour ses entrepôts. Il peut aussi opter pour une solution « light as a service ». Il évite toute immobilisation financière dans des produits non stratégiques, mais aussi les problèmes de maintenance et de recyclage, car le fournisseur propose l’ensemble de ces prestations. Grâce aux capteurs intégrés, le fournisseur optimise l’intensité de l’éclairage en fonction des mouvements (meilleures conditions de travail et sécurité pour les salariés) et en fonction du besoin de lisibilité dans les rayons (meilleure efficacité opérationnelle), générant ainsi des gains de productivité et des économies d’énergie.

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Dans l’économie de la fonctionnalité, un fournisseur détient de l’information sur l’utilisation du produit in situ. Le besoin du client n’est plus retranscrit à travers un cahier des charges plus ou moins bien formalisé. Le fournisseur, proactif, peut faire des propositions de services ou d’améliorations auxquelles le client n’avait peut-être pas pensé. Le fournisseur d’éclairage devient un conseiller sur l’agencement de l’entrepôt, sur la sécurité au travail, sur l’optimisation des circuits des chariots élévateurs, etc.

Par ailleurs, comme la solution est unique, elle renforce la fidélisation du client et éloigne le spectre de la mise en concurrence du fournisseur. En proposant une expérience client ultrapersonnalisée, l’économie de la fonctionnalité redessine alors les contours de la relation client-fournisseur.

Une coproduction de l’offre

La participation du client à la production de l’offre conditionne la qualité et l’efficacité des services proposés. Pour vendre une performance à l’usage, il est essentiel de comprendre comment le client utilise le produit. Plus le client partage avec le fournisseur et plus le fournisseur connaît son client, plus la solution sera adaptée.

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Abbott, par exemple, ne vend pas d’équipements de diagnostics aux laboratoires d’analyses médicales, mais leur facture un coût à l’analyse. Les technologies intégrées dans les équipements de diagnostics permettent d’optimiser leur taux d’utilisation par le biais de la maintenance préventive et de l’assistance à distance. Elles permettent aussi de diminuer la quantité de réactifs utilisés, de conseiller le laboratoire sur les conditions idéales d’analyses types, etc. Plus le laboratoire et le fournisseur partagent les données sur les problèmes rencontrés, plus ils montent en compétence dans leurs métiers respectifs.

Dans un modèle classique, le fournisseur cherche à vendre plus d’équipements et de consommables (augmenter la durée de vie des machines ou diminuer l’utilisation de réactifs ne sont certainement pas ses priorités) tandis que le client cherche à restreindre l’utilisation des consommables et à limiter le remplacement des machines. Leurs intérêts sont antagonistes. Dans la logique de la fonctionnalité, le partage des données entre le client et le fournisseur et leur engagement dans la coconstruction de l’offre favorisent la convergence de leurs intérêts.

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Quand le modèle fonctionnel est abouti, la valeur coproduite est partagée sur les bases d’un système incitatif. Une partie de la rémunération du fournisseur peut, par exemple, être basée sur les économies obtenues chez le client (sur la maintenance, sur le remplacement de l’appareil, sur la consommation énergétique, sur les consommables utilisés…). Elle peut également être indexée à la hausse du chiffre d’affaires du client (l’approche fonctionnelle lui ayant permis d’augmenter l’utilisation du matériel, d’étendre ses plages horaires…). Si les contrats intègrent ce partage de la valeur, alors client et fournisseur ont tout intérêt à conjuguer leurs efforts pour maximiser cette valeur.

Une valeur durable

Dans l’économie de la fonctionnalité, une réelle collaboration client-fournisseur va permettre de générer des externalités positives, en particulier, environnementales : moins d’équipements mis au rebut, de consommables jetés, d’énergie consommée, de CO2 émis… A nouveau, les deux parties ont intérêt à renforcer leur coopération pour amplifier les impacts positifs sur l’environnement de façon à pouvoir les valoriser, notamment par le biais d’une bonne notation extrafinancière – synonyme d’avantage concurrentiel, de coût du capital réduit, de profil d’entreprise moins risqué pour des investisseurs…

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La prise de conscience de l’urgence environnementale couplée à la prise en compte croissante de la valorisation extrafinancière des entreprises renforce l’intérêt de l’achat d’usages et non plus de produits. L’extension de cette logique des produits aux matières premières l’illustre parfaitement. Ainsi, l’entreprise minière Glencore envisage non plus de vendre son vanadium mais de louer son utilisation dans les batteries et de le proposer pour d’autres usages au terme du contrat, dans une logique d’économie circulaire.

Pour bénéficier pleinement de l’économie de la fonctionnalité, les clients doivent sortir d’une logique de sous-traitance avec leur fournisseur et s’engager avec eux dans une réelle coopération.

De nouvelles logiques d’achats

Quatre logiques d’achats devront être revues :

1. Le coût complet (TCO, pour « Total Cost of Ownership ») dans les décisions d’achats n’est pas suffisant. Il convient de considérer une valeur totale (TVO, pour « Total value of Ownership ») générée par l’amélioration des conditions de travail des salariés (moins d’accidents du travail dans un entrepôt éclairé de façon optimale, par exemple), par la hausse du chiffre d’affaires (grâce à l’optimisation du taux d’utilisation des équipements, par exemple), par l’amélioration de la notation extrafinancière de l’entreprise (via les économies d’énergie, par exemple).

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2. La valeur cocréée avec le fournisseur doit être partagée. Les contrats de performance d’usage doivent a minima intégrer des clauses de partage de gains (gains sur les économies d’énergies, de matières premières, de temps…). Ces clauses sont actuellement utilisées par moins de 15% des clients avec leur fournisseur.

3. Les indicateurs de performance RSE des fonctions achats doivent être enrichis. Ils sont majoritairement basés sur la conformité des audits fournisseurs. Avec une approche basée sur la fonctionnalité, l’enjeu est de valoriser au maximum les externalités positives. D’une logique de contrôle de la conformité fournisseur, la fonction achats passerait à une logique de contribution directe à la valorisation extrafinancière de l’entreprise.

4. La dépendance vis-à-vis du fournisseur est encore trop perçue comme un risque à éviter par la mise en concurrence, le « resourcing ». Or, pour bénéficier de la valeur générée par l’économie de la fonctionnalité, le client doit s’engager dans le temps avec son fournisseur. La gestion de la dépendance ne doit pas passer par la mise en concurrence systématique, mais par la création d’une réelle interdépendance avec le fournisseur en question, par une coopération saine et durable.

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