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Le sel de déglaçage fait des ravages dans nos lacs

Mélanie Deslongchamps
Mélanie Deslongchamps Photo Jean-François Desgagnés


QUÉBEC | Les importantes quantités de sel épandues en hiver sur les routes en amont du lac Saint-Charles affectent durement ce bassin qui est la principale source d’eau potable de la ville de Québec. Si rien n’est fait, le traitement de l’eau pourrait devenir impossible.

«Le lac Saint-Charles est vieillissant. Il est dans la soixantaine avancée et il a déjà fait une crise de cœur», illustre la directrice de l’Association pour la protection de l’environnement du lac Saint-Charles et des Marais du Nord (APEL), Mélanie Deslongchamps.

«Mais il est capable de revenir en arrière si l’on fait des efforts», rassure-t-elle.

Le lac est considéré comme «intermédiaire avancé». Ce qui se traduit notamment par une surabondance en plantes aquatiques. En plus du sel, les eaux usées en provenance des quelque 3000 installations septiques en amont, dont plusieurs ne sont pas conformes aux normes, sont aussi pointées du doigt par l’association.

Effet dévastateur

Selon les plus récentes analyses effectuées par l’APEL, la quantité de sel présente dans l’eau du lac au nord de Québec est grandissante.

«Après la construction [de la route 175, qui relie Québec à Saguenay], ç’a été catastrophique pour le lac. Entre 2008 et 2012, le lac a vieilli de 25 ans (en cinq ans)», affirme-t-elle.

L’association soutient que le sel a un effet dévastateur et surtout irréversible sur nos lacs.

«Le sel s’accumule dans l’environnement. On en met chaque année et il ne va pas disparaître. On peut aussi saler les nappes phréatiques d’eau souterraines», affirme Mme Deslongchamps.

La situation devrait s’accentuer au cours des prochaines années, estime l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), puisque les périodes de redoux en hiver seront accentuées avec les changements climatiques, favorisant un usage croissant de sels de déglaçage.

Pas de solution miracle

Une trop grande présence de sel nuit à l’oxygénation d’un lac, avance la spécialiste.

«Normalement, lorsque les températures changent au printemps et à l’automne, le lac se brasse et s’oxygène. Mais le sel est dense, ce qui rend l’eau tellement dense qu’il n’y a plus de brassage.»

Et c’est loin d’être un problème unique au lac Saint-Charles. Les lacs Savard, Beauport, Caché et Clément, aussi de la région de Québec, ont des concentrations en sel plus élevées que le lac Saint-Charles. La situation est même devenue irréversible au lac Clément, où l’eau est devenue carrément toxique, impossible à traiter, selon l’APEL.

Même si plusieurs solutions ont été lancées au cours des dernières années pour entretenir la voirie en hiver, comme le jus de betterave ou les copeaux de bois, aucune solution miracle n’existe à l’heure actuelle, soutient Mme Deslongchamps. «La seule solution est de diminuer l’usage du sel.»

Des arbustes et bouées pour aider

Mélanie Deslongchamps
Un comité a installé cette affiche sur le bord d’une route. Photo Jean-François Desgagnés

L’avenir du lac aux Canards, qui est parmi les 15 pires lacs de la province en raison de son état de vieillissement «très avancé», est compromis.

Chevauchant les municipalités de La Durantaye, de Saint-Raphaël et de Saint-Vallier, dans Chaudière-Appalaches, le plan d’eau est peu profond (près de 6 pieds ou près de 1,8 mètre), favorisant ainsi la prolifération d’algues et de bactéries.

«L’an dernier, il n’y avait pas d’algues bleues, mais ça ne me surprendrait pas qu’on en trouve cette année vu la température chaude», craint Guy Lacombe, du Comité pour l’environnement et la protection du Lac-aux-Canards (CEPLAC), qui se dit «inquiet» de sa santé. Selon les plus récentes données du ministère de l’Environnement, l’eau de ce bassin récréatif est qualifiée «d’extrêmement trouble».

Il se classe ainsi dans la catégorie eutrophe et hyper-eutrophe, d’après les différentes variables analysées.

155 propriétés

Bordé par plus de 155 propriétés, dont plus de la moitié sont habitées à l’année, le lac aux Canards subit les effets néfastes du bassin versant immédiat, où se trouvent entre autres des terres agricoles.

Les bateaux à moteur utilisés sur le lac ainsi que les fosses septiques déficientes causent aussi d’importants problèmes.

Même si à ce stade, aucune mesure ne peut «améliorer l’état trophique» du lac, affirme le ministère de l’Environnement, le CEPLAC a récemment mis en place certaines mesures pour ralentir son vieillissement.

«Nous avons revitalisé les rives en mettant des arbustes, nous avons installé des bouées pour que les gens ne circulent pas trop vite près des rivages, pour limiter l’érosion, nous faisons des vérifications des fosses septiques qui étaient non réglementaires», énumère M. Lacombe, qui n’écarte pas la possibilité d’interdire un jour les bateaux à moteur sur le plan d’eau.


► Votre lac fait-il partie des 200 lacs affectés par un vieillissement accéléré? Pour le savoir, consultez notre carte interactive.

 

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